Une chronique de La Louve. Juin 2006
Photos: Jérôme PALLE

L’ABYSSIN, une boule d’amour

Que tu ne viennes pas d’Abyssinie, cela n’a pas grande importance. D’ailleurs, ce n’est pas en abyssinie que Rimbaud fut poète… Certains donc te disent africain, d’autres égyptien, tant tu ressembles à la déesse Bastet, d’autres asiatiques…En tout cas, tu es exotique, et tu promènes avec panache, parmi mes gros chartreux et mes chats de gouttière, ton élégance d’éphèbe.

Quels danger fuyaient donc tes ancêtres, pour t’avoir transmis ce pelage de lièvre, ces chaudes couleurs de feuilles roussies, cette tenue de camouflage à se cacher dans les fourrés d’automne pour échapper aux bourreaux enfusillés et à leurs chiens de chasse ?

Le grand public te connaît mal. Quand des visiteurs viennent chez moi, ils viennent souvent pour voir mes doux chartreux, et découvrent pour la première fois en même temps ta race exceptionnelle.

Toi, l’abyssin, tu nous séduis d’abord par ta beauté, ta souplesse de puma, ton apparence sauvage, ton pelage flamboyant et tiqueté, tes grandes oreilles ouvertes au monde, ton port altier, tes yeux tendres..

Mais ta vraie richesse est ailleurs.

Jamais chat n’allie une apparence aussi sauvage à un tempérament aussi démonstratif .Tu es, l’abyssin, la tendresse faite chat. C’est toi qui te caresses à nous, en ondulant sous nos paumes ton dos élastique . Tu viens, de tes pattes rapides, pétrir mon cou en ronronnant, et tu es le seul chat qui ne se contente pas de recevoir des caresses, mais qui vient aussi en donner.

Le matin dès le lever, et malgré les câlins de la nuit, tu grimpes dans mes bras , tu poses tes pattes sur mes épaules, et tu frottes ton museau à grands coups contre mon nez et mes joues, m’offrant là mon premier bonheur du jour.

Affectif, mais équilibré, tu es aussi un sacré sportif. Tu grimpes partout. On a déjà retrouvé tes enfants, à deux mois, perchés en équilibre en haut des portes laissées ouvertes. Et les grands arbres du jardin n’ont pas de secret pour toi, tu montes à la cime, furtif et roux comme un écureuil. Faute d’arbres dehors, tu apprécies aussi les armoires, les étagères les plus élevées, et tu te glisses entre les porcelaines pour trouver ta place sans rien déranger. On dirait parfois que tu marches sur la pointe des pieds…


Furtif, tu l’es aussi avec les portes et les fenêtres, et gare à l’humain négligent : tu as vite fait de passer entre les jambes des bipèdes pour aller rejoindre une belle interdite ou sortir de l’enclos qui te protège des agressions en tout genre. Je connais certains de tes frères qui sont morts d’avoir été ainsi trop audacieux….Vif et curieux, tu es le contraire d’une peluche, même si le contact de ton poil soyeux, quand tu te reposes contre moi, est aussi doux que l’ours brun de mon enfance..

Ta grande curiosité s’exerce également à l’égard de la nourriture ; tu veux goûter à tout, et les repas familiaux ne sont pas tristes avec toi dans les parages. Tu es un grand gourmand, et il arrive que d’un coup de patte, tu tentes d’arrêter la fourchette en plein parcours pour y soustraire ta prébende .Tu aimes aussi goûter à l’eau de nos verres plutôt qu’à celle de ta gamelle, mais ce que tu préfères, c’est miauler devant le robinet, ou nous y conduire , car tu t’exprimes très bien, jusqu’à ce que tu puisses croquer l’eau qui en coule, ou la lécher à la source.

Tu n’es pas un grand bavard, mais tu sais cependant parler aux humains, et moduler tes chants pour mieux communiquer, puisque tu aimes tant ça. Et , parfois, tu enchantes la maison de tes roucoulements de tourterelle …

Comme tous les chats, et n’a-t-on pas dit de toi que tu n’étais pas un chat, mais LE chat, tu aimes aussi ton confort, et je connais des coins parfaits pour y lover ton splendide corps fin et musclé ; un hamac en hauteur, et te voilà le plus heureux des chats.

Mais si on t’appelle, si on te sollicite, si même tu nous vois arriver après un moment d’absence, tu descends, tu te frottes, tu salues ton humain préféré, tu exprimes ta joie de vivre et ton attachement d’un coup de tête, d’un tour de patte, d’un joli ronron.

Car tu aimes les hommes et tu sais le montrer.

Mais tu aimes aussi les autres animaux, et tu fais chez nous des parties endiablées de courses-poursuites avec la jeune chienne, avant de vous endormir ensemble, épuisés par tant de jeux, sur un fauteuil du salon.

Et te voilà parti dans un joli rêve d’abyssin….